Comment réussir son projet de transformation d’entreprise ?

Auteur invité : Frédéric Carlier, Partner chez Argain

Nos envies de voyage ne datent pas de la crise sanitaire qui nous frappe depuis 2020. Cette appétence pour la découverte d’un ailleurs existait avant la pandémie. Il en va de même avec la transformation de l’entreprise. Le besoin d’adaptation à leur écosystème n’est pas né avec la pandémie, mais il s’est accéléré avec celle-ci.

La révolution digitale, la plateformisation de l’économie et une concurrence exacerbée poussent les entreprises à faire évoluer leur modèle d’activités, leur modèle d’affaires, leur modèle d’offres et leur modèle de solutions pour gagner en compétitivité. C’est en cela que la transformation de l’entreprise peut être aussi considérée comme un voyage, souvent au long cours, parfois venteux, voire tempétueux, mais toujours source de bienfaits multiples.

Mais un projet de transformation d’entreprise mal préparé et mal piloté peut être un voyage semé d’embuches, entrainant des retards, des dépassements de budget ou pire, un échec total. Alors comment planifier sa transformation ? Quelle démarche ? Quels points d’attention ?

Découvrez les points clefs d’un voyage de transformation réussi.

Découvrez le témoignage de Frédéric Carlier au micro du Podcast des expert du PPM

1. Les principes de base de la transformation

Des voyages, comme des transformations, il en est de toute sorte : du road-trip entre copains, au parcours organisé dans les moindres détails, en passant par l’itinérance libre mais un minimum structurée. Pour les transformations, il y l’adaptation circonstanciée des modèles au titre de l’amélioration continue, à l’évolution plus profonde amenant à certaines ruptures dans la chaîne de valeur, le mode de fonctionnement ou les solutions technologiques de l’entreprise, voire même la mutation de l’ADN initial de celle-ci.

Sur ces deux plans, la réussite de l’opération, quelle qu’en soit sa nature, repose sur 5 principes de base :

  • Avoir une ambition initiale forte au service d’une expérience aboutie.
  • Réaliser une préparation minutieuse avec une feuille de route précise.
  • Se fixer des buts clairs et jalonnés dans le temps.
  • Suivre scrupuleusement la trajectoire définie et ne l’adapter qu’en cas de nécessité.
  • Faire régulièrement le point sur l’avancement, les difficultés rencontrées et les résultats obtenus.

2. Les 4 grands enjeux d’un projet de transformation d’entreprise

A l’instar des voyages, que ce soit avant, pendant ou après, les projets de transformation répondent dans la plupart des cas à des enjeux similaires auxquels l’entreprise doit faire face.

2.1. Convaincre

A part pour le routard qui part sans but bien précis, sac au dos, et ne doit convaincre que lui-même, l’entreprise embarque dans l’aventure de la transformation l’ensemble de ses collaborateurs, voir au-delà. Il est de la responsabilité des instances dirigeantes de leur démontrer en quoi l’ambition affichée est légitime, en quoi la destination indiquée est crédible et en quoi les objectifs fixés sont réalistes. Ce rôle est dévolu prioritairement au stratège qui s’incarne souvent dans la Direction Générale de l’entreprise.

2.2. Fédérer

Nous avons tous le souvenir d’un projet de voyage pour lequel nous étions tous convaincus de l’intérêt, mais qui n’a mobilisé l’énergie que d’un seul organisateur, tant pour les préparatifs que pour les initiatives une fois partis. En revanche, tout le monde était prêt à en tirer les enseignements, positif ou négatif, du point de vue personnel et collectif. Ce modèle n’est en aucun cas viable pour la transformation de l’entreprise. L’enjeu de la fédération des parties prenantes autour de l’ambition, des buts et des objectifs est essentiel pour que chacune d’entre elles comprenne leur contribution à l’intérêt général. Ce rôle est dévolu prioritairement au sponsor désigné par l’entreprise pour la transformation à engager.

2.3. Organiser

Pour beaucoup d’entre nous, voyage est synonyme de liberté, d’indolence et même de nonchalance. Organisation est par contre synonyme de contrainte, de lourdeur et même de restriction. La transformation de l’entreprise ne peut pas s’apparenter à un jeu de fléchettes où, sur une grande carte, on vise comme on peut des cibles que l’on distingue plus ou moins avec des résultats que l’on ne constate qu’à posteriori. Elle nécessite d’être planifiée de manière rigoureuse depuis l’ambition globale, jusqu’aux programmes d’initiatives et d’actions en passant par la définition des cibles, des trajectoires et des jalons. Cette planification se doit d’être agile et dynamique afin de s’adapter aux différents aléas et risques susceptibles de survenir en cours de route. Ce rôle est dévolu prioritairement aux leaders métiers de l’entreprise.

2.4. Piloter

Sur la route de notre voyage, il peut être séduisant de piloter « à vue » vers l’objectif et de se laisser porter au gré des chemins de traverse ou des vents tournoyants. Le résultat peut parfois nous surprendre et nous amener en des lieux qui n’étaient pas prévus, voire pas souhaités, et qui ne nous offrent pas d’alternatives pour reprendre notre trajectoire initiale. La transformation de l’entreprise requiert quant à elle un pilotage « aux instruments ». Dans un projet de transformation aucune place ne doit être laissée à l’improvisation, à l’interprétation, ou pire, à l’inconnu. Le pilotage de la transformation s’appuie sur deux colonnes vertébrales déclinées en mode miroir :

  • la première au sein de la sphère opérationnelle, depuis l’ambition de l’entreprise jusqu’aux indicateurs de mesure d’atteinte des objectifs.
  • la seconde au sein de la sphère budgétaire, depuis les initiatives envisagées jusqu’aux portefeuilles d’actions concrètes.

Ce rôle de pilotage est dévolu prioritairement aux managers de programmes et de projets.

3. La démarche de transformation au service de sa dynamique

Partir en voyage signifie souvent partir à l’aventure avec la soif de découvrir et de partager. Par analogie, la transformation de l’entreprise peut également être considérée comme une aventure, mais elle ne doit pas être menée avec un esprit aventureux. Comme nous l’avons vu précédemment, la préparation de la transformation doit être minutieuse et doit, entres autres, s’appuyer sur une feuille de route précise, puis être exécutée en gardant le cap à l’aide d’une bonne boussole et, pourquoi pas, d’un guide expérimenté en fonction de la complexité des territoires à parcourir.

3.1. Réussir son projet de transformation : les 10 points clés

La mise en œuvre d’une démarche formelle avec ses objectifs et ses jalons participe de ce dernier aspect. Elle nous semble incontournable pour donner du sens et de la lisibilité à toutes les parties prenantes sur le chemin à suivre et les étapes à franchir pour se donner toutes les chances de réussir la transformation à exécuter.

Cette démarche peut ainsi être déclinée en 10 points clés :

  1. Définir la vision de l’entreprise et son ambition précise.
  2. Construire une stratégie pour réaliser la vision selon des axes majeurs et des buts associés.
  3. Fixer des objectifs d’entreprise ambitieux, non chiffrés à ce stade.
  4. Evaluer l’impact de la stratégie sur les métiers de l’entreprise en termes de cibles à atteindre.
  5. Fixer des objectifs métiers par cible selon le mode SMART (spécifique – mesurable – atteignable – réaliste – temporel).
  6. Elaborer les trajectoires de l’état initial à la cible avec identification des paliers.
  7. Analyser l’impact des cibles et trajectoires sur le patrimoine actuel métier et SI.
  8. Identifier à l’issue les initiatives métier et SI nécessaires à l’atteinte des objectifs.
  9. Organiser ces initiatives sous forme de programmes portant les objectifs métiers.
  10. Mettre en place les tableaux de bord de mesure d’atteinte des objectifs.

3.2. Réussir son projet de transformation : une approche en 3 temps

Cette démarche doit être vue comme une feuille de route avec une approche en trois temps :

1er temps : l’approche prospective, incluant les points 1 à 4, pour définir objectifs et cibles.
2ème temps : l’approche cadastrale, incluant les points 5 à 7, pour définir trajectoires et jalons.
3ème temps : l’approche opérationnelle, incluant les points 8 à 10, pour définir portefeuilles et projets.

La mise en place d’une telle démarche doit évidemment être contextualisée selon l’environnement de l’entreprise concernée, son organisation, sa capacité à faire et son outillage disponible. Elle peut être éventuellement supportée par un cadre de travail standard du marché, relatif à l’architecture d’entreprise, puis personnalisée pour être d’appropriation plus simple pour les parties prenantes impliquées. Enfin, cette démarche peut être en partie automatisée par l’offre disponible sur le marché pour le pilotage des transformations.

Néanmoins, il apparaît primordial dans tous les cas de respecter le synoptique de la démarche et ses points clés, d’adopter des pratiques en cohérence avec les moyens de l’entreprise, d’ancrer ces pratiques au niveau de toutes les parties prenantes, de rendre visible les résultats obtenus dès que possible, de partager ces résultats avec toutes les parties prenantes et de maintenir la dynamique collective, moteur de la transformation, par une communication circonstanciée et régulière.

4. Comment réussir son projet de transformation d’entreprise : l’appréciation finale

« L’aventure en vaut toujours la peine », disait Aristote. De nos jours, le besoin de s’adapter continuellement à son environnement, à son écosystème, est le quotidien de bon nombre d’entreprises. Il s’agit d’une forme de déclinaison de la théorie darwinienne de l’évolution qui voulait qu’autrefois « les plus forts mangent les plus faibles », alors que désormais « les plus rapides vont avaler les plus lents ».

La transformation d’entreprise, quelle que soit sa taille, son secteur, sa spécialité, c’est accepter de nouveaux challenges, de nouvelles perspectives de développement, de nouvelles opportunités de progrès ; pas simplement pour garder sa place au sein du système économique, mais pour renforcer ses positions, en initier de nouvelles et assurer sa pérennité.

La transformation d’entreprise n’est pas juste l’affaire de quelques visionnaires, ni de quelques spécialistes, c’est un projet global qui embarque l’ensemble de la structure et qui impacte profondément son ADN et sa culture. Néanmoins, il requiert de s’appuyer sur une vision initiale claire et sur une expertise pluridisciplinaire pour son exécution.

La transformation d’entreprise n’est pas un projet technique, ni la mise en œuvre d’une palette d’outils dont on espère à terme qu’elle deviendra solution, c’est un projet collectif avant tout organisationnel et qui demande de la conviction, de la volonté et de la rigueur. Néanmoins, il impose de maîtriser un certain niveau de technicité et de dérouler un schéma méthodologique précis pour garantir son atterrissage dans les limites prévues. Un proverbe asiatique avance que « Mieux vaut voir quelque chose une fois que d’en entendre parler mille fois ». A l’instar du voyage que nous avons fait plusieurs fois par procuration ou que nous avons maintes fois repoussé sans justification, prenons ce risque, au moins une fois, de vous amener à tenter la grande aventure de la transformation de votre entreprise.

Picture of Frédéric CARLIER
Frédéric CARLIER

Frédéric est en charge de l'offre Transformation des systèmes au sein du cabinet de conseil en management de projets et des organisations Argain.

La newsletter du PPM, du pilotage et de la gouvernance

Nos meilleurs conseils dans votre boîte mail
tous les 1ers mardis du mois

Ça pourrait vous intéresser